L’éthique et la morale se distinguent du droit positif en ceci que leurs recommandations ne sont pas nécessairement incarnées dans des lois. Une personne n’est donc pas susceptible de poursuites légales pour simple infraction d’un code moral. Il faudrait pour cela que la norme morale soit également une norme légale. La sanction dont s’accompagne généralement l’infraction à une norme morale qui n’est pas légale, c’est la désapprobation, voire la mise à l’écart par les membres de la communauté partageant cette norme morale.
Certaines approches éthiques se réfèrent à des droits « naturels » ou « moraux » dont seraient porteurs les individus ou groupes. Ces droits peuvent se distinguer du droit positif par leur caractère aspirationnel : ils ont généralement vocation, aux yeux de ceux qui les invoquent, à devenir des droits positifs, mais ne le sont pas encore nécessairement.
Le droit positif, quant à lui, évolue en partie en fonction de l’évolution des normes éthiques ou morales au sein de la société, en particulier quand elles sont portées par des combats ou revendications politiques. En raison de ce caractère évolutif du droit et des luttes politiques qui accompagnent cette évolution, il arrive fréquemment que des lois soient considérées comme injustes par une partie de la population. Celles-ci peuvent alors être contestées politiquement, voire donner lieu à des actions de désobéissance civile quand l’injustice paraît profonde.
Enfin, il faut noter que tout ce qui paraît souhaitable d’un point de vue éthique n’a pas nécessairement vocation à prendre forme de loi. Personne ne souhaite par exemple une loi interdisant le mensonge (les recours en justice seraient trop nombreux). Certains estiment par ailleurs que la loi ne doit pas être trop intrusive par rapport aux actes privés. À ce titre, on s’oppose par exemple à des lois condamnant l’adultère, comme il en existe dans certains pays. Cela renvoie à différentes conceptions du rôle de l’État (voir « Neutralité et perfectionnisme »).
L’éthique, comme discipline philosophique, se décline en au moins trois champs distincts. La méta-éthique est la réflexion philosophique sur les jugements moraux. D’où viennent-ils ? Ont-ils une portée universelle ? En quoi se distinguent-ils d’autres types de jugements ?
L’éthique normative désigne la réflexion sur le contenu de nos obligations morales. Il s’agit ici de défendre une perspective éthique particulière, par exemple déontologique ou conséquentialiste. Au sein de l’éthique normative, on peut distinguer l’éthique individuelle, ou philosophie morale, qui se concentre essentiellement sur les obligations individuelles, de l’éthique sociale, ou philosophie politique, qui étudie les obligations collectives concernant l’organisation de la vie en société. Pour certains, il s’agit de champs à bien distinguer, tandis que pour d’autres ces deux champs se recoupent, partiellement ou totalement [5].
Enfin, l’éthique appliquée est un prolongement de l’éthique normative dans l’étude de cas très concrets, tels que l’avortement, l’euthanasie, les enjeux de nouvelles technologies, etc. Il s’agit ici moins ici de justifier une perspective normative que de l’appliquer afin de résoudre un dilemme ou de recommander un certain type d’action. (Une « banque » de cas éthiques pour s’exercer à l’éthique appliquée est proposée sur ce site.)
[2] Habermas, L’éthique de la discussion, Paris, Cerf, 1992, p. 39-40 ; Paul Ricœur, « Éthique et morale », dans Lectures I : autour du politique, Paris, Seuil, 1991, p. 258-270. Une confusion peut cependant naître du fait qu’Habermas reprend à son compte la formule « éthique de la discussion » pour qualifier la recherche collective d’un point de vue moral à travers la discussion. Or, cette éthique de la discussion qui est « procédurale » peut, au contraire des éthiques « substantielles », prétendre à l’universalité. Il reconnaît d'ailleurs lui-même qu'il vaudrait mieux parler de « théorie discursive de la morale ».
[3] Voir Charles Taylor, « Le juste et le bien », Revue de métaphysique et de morale, vol. 93, n° 1, 1988, p. 33-56.
[4] Inspiré de Monique Canto-Sperber & Ruwen Ogien, La philosophie morale, Paris, PUF, 2017, p. 5.
[5] Voir Charles Larmore, « Qu’est-ce que la philosophie politique ? », Phares, n° 10, 2010.